THE INTERVIEW

April 23th, 2021

OLIVIER LALLART

DIRECTOR OF FAG

BEST AUDIENCE
BEST SHORT HONORABLE MENTION

Olivier, expliquez-nous votre parcours, d’où vient votre envie d’être acteur / réalisateur ?

J’ai toujours voulu devenir réalisateur, depuis tout petit je crois, je piquais le camescope de mon père pour tourner des courts-métrages avec des copains, généralement des parodies, mais on testait aussi des effets spéciaux et tout un tas de choses. En sortant du lycée, je me suis dit que ce n’était qu’une passion, et j’ai voulu me tourner vers quelque chose de plus viable : le tourisme. Finalement, je me suis rendu compte que je m’ennuyais et j’ai tout arrêté, lâché un CDI pour revenir à ce que que j’ai toujours voulu : le cinéma. J’ai donc fait une école de cinéma en 1 an et j’ai commencé à faire mon trou tout seul : d’abord en réalisant quelques vidéos bénévolement, et puis surtout en réalisant mon premier court-métrage avec un smartphone “We feel”. A chaque nouveau court-métrage, j’ai essayé de mettre la barre un peu plus haute, et j’en suis donc là, dix ans après.

À 12 jours du tournage, on a organisé un casting de dernière minute sur Paris. Seuls 3 jeunes sont venus, dont Paul. Le lendemain je l'appelais pour lui dire qu'il avait le 1er rôle.

” PD ” montre la naissance d’une relation entre Thomas et Estéban, 2 lycéens. Comment vous est venue l’idée de faire ce film ?

L’idée de ce film m’est venue de 2 choses : la découverte de ma sexualité très tardivement, qui a été assez bouleversante. Mais aussi parce que j’anime beaucoup d’ateliers en milieux scolaires et j’entendais très souvent le mot “PD” lâché à tort et à travers. Je me suis dit qu’à mon époque je ne l’entendait pas autant. Ca m’a fait tilt. Je me suis dit qu’il fallait alerter sur cette homophobie latente qu’on laisse passer.

Votre acteur principal Paul Gaumérieux est Rémois, (Notre festival est lui-même basé à Reims), comme c’est passé le casting et votre travail avec Paul ?

J’ai vu une quinzaine de jeunes pour ce rôle. J’avais des hésitations et j’alais prendre un comédien mais je n’étais pas sûr. A 12 jours du tournage, on a organisé un casting de dernière minute sur Paris. Seuls 3 jeunes sont venus, dont Paul. Le lendemain je l’appelais pour lui dire qu’il avait le 1er rôle, et qu’il devait apprendre les 35 pages de scénario pour la répétition qui avait lieu 2 jours après. Tout s’est passé très vite. Ca a été compliqué pour moi de trouver ce rôle car je me projetais beaucoup dedans. Mais Paul a été formidable. Je ne regrette pas une seconde ce choix. Il faut croire qu’il y a de belles pépites sur Reims 🙂

Pouvez-vous nous en dire plus sur le travail avec vos acteurs, comment avez-vous élaboré les personnages ? Quels sont vos ‘truc’ pour nous faire partager cette alchimie à l’écran ?

Quand j’écris un scénario comme celui-ci, je pars du principe qu’à 30 ans, je ne peux pas écrire les dialogues de jeunes de 17 ans. Mon but c’est que ce soit le plus réaliste possible, que le spectateur puisse y croire. J’ai d’abord organisé des séances de lecture avec des jeunes de 16 ans et je les écoutais beaucoup, je changeais des mots, des expressions. Puis quand j’ai eu les comédiens, j”ai organisé une journée complète de répétitions. Je les laisse se réapproprier le texte, je ne leur demande pas d’être à la virgule près, je les laisse proposer, et lorsque je trouve la chose suffisamment crédible, je réécrit à nouveau le scénar.

Enfin, le jour du tournage, je fais à nouveau des répéts car le décor, les figurants etc… peuvent changer encore la scène. Je peut encore changer des dialogues au dernier moment de cette manière. J’essaye de mettre à l’aise les comédiens, de les détendre un maximum sur le tournage pour qu’ils oublient la caméra et évite de dire les choses de manière trop mécanique. Je laisse encore une part d’impro sur le plan large pour qu’ils aient un maximum de possibilité d’interprétation.

A chaque nouveau court-métrage, j'ai essayé de mettre la barre un peu plus haute, et j'en suis donc là, dix ans après.

Quelles ont été votre référence et vos inspirations pour réaliser ce film ?

Maïwenn pour le côté très naturaliste de ces films et sa manière de diriger ses comédien.nes. Le fil “120 battements par minute” qui, dans ses scènes d’AG donne une impression d’immersion totale tant les comédiens paraissent crédibles. Mais ma plus grosse référence a été la série SKAM (l’originale norvégienne, pas la française, j’insiste). Ca a été une vrai claque pour moi. Cette manière de montrer des ados autrement. J’ai été subjugué.

Nous savons qu’il n’est pas toujours simple de produire son court métrage, que ce soit en France ou à l’étranger, comment êtes-vous parvenu à faire votre film ? A-t-il fallut faire des concessions ?

J’ai eu un budget de 35 000€. Pour un court-métrage produit en France il faut environ 80 000€. Et encore là nous étions sur un moyen-métrage. On a du faire énormément de concessions. Par exemple, tourner en 6 jours alors qu’il en aurait fallu 12. Ca donnait des journées interminables. La scène de bal, on l’a tourné en une journée de 8h30 à 1h30 du mat. C’était difficile et épuisant pour tout le monde. Heureusement, on a pu avoir ces 4 petites aides financières et surtout, une équipe ultra motivée qui a accepté de donner énormément de temps en étant quasiment pas payée. C’est le message du film qui les a fait accepter.

Certains nous disent "merci, grâce à votre film, j'ai trouvé la force d'aller dire à ma famille qui je suis"

Lorsque l’on regarde votre film, nous avons l’impression de voir une histoire d’amour classique entre deux personnes, est-ce une volonté de votre part de traiter ce sujet de manière réaliste et non pas comme une mise en avant outrancière du mouvement LGBT ?

Exactement. mon message est simple : 2 personnes de même sexe ont le droit de tomber amoureuse. A aucun moment je ne dit qu’ils sont gays. C’est simplement 2 hommes qui tombent amoureux à un moment de leur vie et à un endroit ou cela leur est compliqué. Le milieu LGBT est associé à beaucoup de clichés et je voulais aussi montrer qu’un homme qui en aime un autre, c’est un homme comme tout le monde, un pote, un membre de notre famille. Normaliser l’homosexualité. Tout simplement.

” PD ” a eu un énorme succès, plus de 2 millions de vues sur internet, vous vous attendiez à un tel engouement à travers ce film ?

Non pas du tout. Ca a été une vraie surprise. Pendant un an et demi on a pu faire des projections en festivals et cinéma et on découvert l’engouement du public et c’était génial. On se doutait du coup que le film plairait sur internet mais pas à ce point.

Vous avez gagné notre PRIX DU PUBLIC et une MENTION DU MEILLEUR FILM, les gens ont vraiment adhéré au film au point de vous suivre et vous soutenir. Quelle relation avez-vous avec votre public ?

Je voudrait d’abord remercier tous les gens qui ont voté pour le film, ainsi que le jury pour cette Mention d’Honneur. Depuis la mise en ligne, et même depuis les premières projections, nous avons des centaines, des milliers de messages de gens à travers le monde. Certains nous disent “merci, grâce à votre film, j’ai trouvé la force d’aller dire à ma famille qui je suis”. Ce sont les plus beaux messages que j’ai pu recevoir. J’ai aussi des jeunes qui parfois me disent “au début de votre film, les deux mecs qui s’embrassent, j’ai trouvé ça gênant. A la fin je me suis dit : ouais en fait ça passe.” Pour moi, c’est la plus belle des victoires.

Je voulais aussi montrer qu'un homme qui en aime un autre, c'est un homme comme tout le monde, un pote, un membre de notre famille.

Quels sont vos projets pour la suite ?

J’écris actuellement une série qui sera toujours sur une thématique LGBT. Quelque chose qui a lieu dans un futur proche. Mais je préfère ne pas en dire plus pour le moment. J’espère juste qu’il sera possible de la réaliser.