THE INTERVIEW

August, 2025

Aldéric Demay

DIRECTORS OF ZORRITO

HONORABLE MENTION

Aldéric, parlez-nous un peu plus de vous. D’où vient votre désir d’être réalisateur ?

Je viens du jeu d’acteur, au théâtre comme au cinéma. Très vite, j’ai ressenti le besoin de passer derrière la caméra pour créer mes propres univers et inventer des espaces de jeu qui soient aussi des espaces d’émotion. Ce qui m’anime, c’est de raconter des histoires qui laissent une empreinte, où le spectateur se reconnaît tout en étant surpris.

Quel est votre parcours ?

J’ai commencé comme comédien, puis me suis dirigé vers l’écriture et la mise en scène. Mon envie de cinéma s’est vraiment affirmée lorsque j’ai rejoint l’association La Chambre Noire à Bordeaux. C’est une structure qui forme à la technique et accompagne les premiers pas de ses adhérents. J’y ai d’abord participé comme acteur dans les films des autres, avant d’avoir envie de passer derrière la caméra. J’ai ainsi réalisé mon premier court métrage dans le cadre d’une kino-session. Sur les tournages auxquels je participais, qu’il s’agisse de longs métrages ou de séries, j’aimais observer le travail des équipes. Peu à peu, mon regard s’est aiguisé et le désir de participer autrement, en tant que réalisateur, est devenu une évidence. Ma rencontre avec Pier-Olivier Marais, co-scénariste de Zorrito a été également importante dans mon évolution. Lui écrivait pour le théâtre, moi j’étais plus dans le cinéma et nos échanges nous ont permis de nous enrichir mutuellement.

Quels ont été vos références pour Zorrito ?

Nous nous sommes inspirés de cinéastes qui font dialoguer mémoire et image : Kieslowski pour les reflets et les motifs visuels liés au souvenir, Wong Kar-wai pour la texture lumineuse et le contraste des couleurs, et Terrence Malick pour la manière d’envelopper les personnages dans une lumière chargée de particules. Nous avons aussi pensé à un certain réalisme poétique français pour la justesse des décors. Les scènes de 1982 devaient être crédibles, jusque dans les objets, les affiches et les lumières d’époque. Thierry Nguyen a su trouver l’équilibre entre authenticité historique et poésie visuelle. Son travail sur la colorimétrie est remarquable.

Vous avez remporté une Mention Honorable aux RED Movie Awards, qu’est ce que cela symbolise pour vous ?

Ce n’est pas moi qui l’ai remportée mais toute l’équipe image ! C’est un hommage direct à leur travail. Ce que le jury a récompensé, c’est la vision collective que nous avons construite. Thierry Nguyen, notre directeur de la photographie, a su donner vie à ce que j’avais en tête, en mêlant lumière et atmosphère pour traverser les époques. Les scènes avec le petit garçon, qui me représente enfant en 1982, ont nécessité une reconstitution minutieuse de l’époque. La décoration a été essentielle pour que chaque détail sonne juste, et la lumière chaude, enveloppante, sculptée par la fumée, est venue donner à l’air une texture presque tangible. Les contrastes entre zones d’ombre et éclats dorés créent une continuité visuelle avec les scènes où j’apparais adulte, renforçant le lien entre passé et présent. Un grand merci à Thomas Dumas (caméraman), Aaron Dessain (1er assistant caméra), Clément Lemoule Duparc(chef-électricien), Alfonso Alfred Prat (électricien), Lou-Anne Capelle (maquillage). Je pense aussi à Maxence Cagigal Del Solar (mixage son) et Colin Ledoux (prise de son), qui ont contribué à la cohérence globale. Chacun a apporté sa part de créativité et de maîtrise technique. Cette mention honorable, je la partage entièrement avec eux.

Pouvez vous nous en dire plus à propos du découpage et des cadrages de votre film ?

Le découpage a été pensé comme une succession de fragments de mémoire. Chaque plan devait être autonome, comme une image que l’on retrouverait au fond d’une boîte à souvenirs, mais aussi participer à une cohérence d’ensemble. Les cadrages serrés traduisent l’intimité et la tension, tandis que des plans plus amples offrent des respirations. L’image devait être à la fois précise et ouverte.

En moins de cinq minutes, votre film parvient à transmettre une émotion forte. Comment avez-vous abordé l’écriture pour condenser autant d’intensité dans un format aussi court ?

Nous avons écrit comme on monte un film : en choisissant uniquement les moments qui comptent et en travaillant beaucoup sur l’ellipse. Le film est bâti à partir d’un flashback qui transporte le personnage principal 40 ans dans le passé. L’idée n’était pas de tout expliquer, mais de tout faire ressentir.

Le micro short oblige souvent à aller à l’essentiel. Quelles ont été vos priorités pour que le spectateur ressente, comprenne et soit touché en si peu de temps ?

Créer un lien immédiat avec le personnage principal, installer une atmosphère forte, et laisser à la fin une ouverture émotionnelle qui dépasse le cadre du film. Nous avons privilégié la sensation à la sur-explication.
Entre mémoire, mystère et voyage dans le passé, votre film joue sur plusieurs registres. Qu’est-ce qui vous a guidé pour équilibrer émotion intime et tension dramatique ?
Nous avons veillé à ce que la tension serve toujours l’émotion. Le mystère n’a de sens que s’il renforce l’attachement du spectateur au personnage. Je pense que c’est cet équilibre qui donne au film sa tonalité.

Comment avez vous travaillé avec les acteurs ?

Sur un format aussi court, il faut que la justesse soit là très vite, surtout dans un film sans pratiquement aucun dialogue. Nous avons donc travaillé en amont, hors caméra, pour que chaque geste, chaque regard, chaque silence soit habité. C’est un travail de confiance et de précision. Je salue le travail de Valérie Chartier qui joue l’institutrice et celui d’Armand Daire qui joue mon rôle enfant et je remercie Sandra Allaire qui incarne la voisine. Ils ont su intégrer cet univers avec beaucoup de richesse.

Quel est votre prochain projet ?

C’est Marisol, un long métrage coécrit avec Pierre-Olivier Marais, dont je parlais plus haut, à partir de sa pièce Les Flammes du jour. Ce qui était au départ un seul-en-scène intime est devenu un récit porté par une galerie de personnages aux destins entremêlés. Le scénario a été envoyé à plusieurs sociétés de production. Marisol développe la thématique de Zorrito (qui a été imaginé à partir d’une séquence du long métrage) et les déploie dans un univers plus vaste, où chaque personnage apporte sa lumière et son mystère. Nous espérons pouvoir très vite partager cette nouvelle aventure avec le public.